14/09/2016 Palerme
13 :00 Villa Garibaldi
Villa Giulia est ouvert de 8 :00 à 19 :30.
J’y étais à 7 :30 ce matin. J’ai eu le temps de voir le bord de mer bétonné. Le type du bar m’a laissé rentré par derrière avant l’ouverture. Le shooting était cette fois consacré au jardin et non aux bustes décapités. La lumière était excellente. Je constate l’étendue des dégradations sur les différents monuments, mais aussi sur les arbres comme les immenses ficus. Certains monuments sont en cours de restauration, d’autres sont protégés par des barrières métalliques avec treillis en plastique vermillon. Certains bancs en marbre sont protégés par un coffrage en bois. Il y a aussi une très belle statue d’Archimède (jeune) sans tête, et sur le torse de celui-ci quelqu’un a écrit « Francisco D. & Melania C. » avec un cœur dessiné au marqueur à l’alcool. Cette statue est assise sur un socle posé au milieu d’une fontaine sans eau. Elle est vraiment remarquable de grâce. Je crois sincèrement que celui ou celle qui a écrit sur cette statue est représentatif de ce que je mentionnais hier à propos de l’individualisme des italiens et leur manque (ou l’absence) de vision collective. Francesco D. ou Melania C. a marqué son territoire de manière indélébile sans s’inquiéter le moins du monde du tord qu’il faisait à la collectivité.
Mais un caractère individualiste n’est pas forcément une marque d’égoïsme. L’italien est toujours prêt à aider. Il y a ainsi une générosité collective lors des drames qui endeuillent la société italienne comme lors des fréquents tremblements de terre.
Les dégradations sauvages de monuments ou de plantes ne sont surement pas le propre des italiens. Dans une des serre du jardin botanique de Meise, la serre aux cactus, il y avait une agave géante sur laquelle quelques abrutis avaient gravés leurs initiales. Les responsables avaient même installé un panneau avec un texte trilingue pour demander aux visiteurs de respecter cette plante, de ne pas la saigner. Il faut croire que ça n’a pas suffit, les dégradations se sont poursuivies et finalement cette plante (sans doute centenaire) a été enlevée. Une bonne partie des gens se fout de la nature et la grande majorité d’entre eux se fout de l’art. C’est ça la décadence. Le manque de respect pour la nature et pour l’art, même s’il n’y a aucune connexion objective entre les deux, est la conséquence d’une sorte d’ignorance généralisée. C’est un fait actuel. Ça n’a pas toujours été comme ça.
La culture, ce mot qui ne veut rien dire a été inventé par De Gaule qui a nommé Malraux ministre de la culture. Il fallait bien trouver un nom. La culture c’est politique. Ça englobe tout et finalement rien. On a remplacé le terme art par culture. La culture c’est comme de mettre le cinéma et la télévision dans le même panier. Ça permet la récupération commerciale de l’art. Ikea vend actuellement une pitoyable reproduction du Baiser de Klimt imprimée sur toile (enfin sur du tissu). C’est une quadrichromie de très mauvaise qualité qui ne rend absolument pas les couleurs et les dorures de l’original ? C’est hors format et mal tendu sur un chassis fragile.
Les exemples de récupération de l’art au nom de la culture pullulent actuellement, et c’est dommageable pour l’art. Ça ne le rend pas plus accessible. Au contraire. Ça banalise la création artistique. Il n’y a qu’à visiter les musées pour s’en rendre compte. Les gens ne prennent plus le temps de regarder, de comprendre ou de prendre des renseignements sur les œuvres exposées. J’étais il y a peu à La Haie pour voir la fille à la perle de Vermeer. Il était difficile de rester devant l’œuvre plus de 2 minutes à cause du flot incessant de visiteurs. Je n’avais d’autres choix que de les observer. Ils ne regardaient pas le tableau mais plutôt l’objectif de leur appareil photo pour un mémorable selfie. En rentrant chez eux est ce qu’ils se disent je ne l’ai pas vu mais j’y étais. Regarde mec j’y étais ! C’est encore pire pour la joconde au Louvre. Il faut vraiment jouer des coudes pour espérer la voir au milieu d’une forêt de smartphone brandis désespérément. La salle des Rubens avec les 24 tableaux réalisés pour Marie de Médicis était bien heureusement dépeuplée.
18 :00 Villa Giulia
Le temps s’est un peu couvert. Il fait chaud, lourd et pas un pet de vent. Je dégouline après avoir passé 3 heures à Orto Botanico. Excellentes photos. A l’entré j’ai trouvé un livre sur Villa Giulia : « Storia e progetto nell’ Architettura di Villa Giulia a Palermo ». Il s’agit d’un ouvrage scientifique sur l’architecture du jardin et sur son organisation botanique, avec plans, coupes, gravures et photos anciennes. Une mine d’or pour 12 euros. 70 pages mais pas grand chose à propos des bustes. D’après un des plans ils étaient 32 autour de la fontaine centrale. C’est logique.
Je suis actuellement attablé à la terrasse à colonnades doriques du bar du jardin. Le serveur est marrant mais assez nonchalant. Ce matin 10 minutes pour un café. Il passe de la musique style Gypsy King à la sauce techno italienne. L’endroit est beau. Si je pouvais j’y viendrais chaque jour de ma misérable existence. Je m’y sens bien. Ce que je fais ici est fatigant mais tellement excitant. Je me sens porté par une énergie inédite.
20:30 Via Vittorio Emanuele
Vu 3 shooting mariage à Villa Giulia, dont un avec photographe et équipe vidéo équipée d’un drone. Le responsable essaye d’improviser une mise en scène style tenez vous les mains et tournez, ou la fille sur un banc et le mec à genoux lui tenant les mains pour finir par un « bacino ». Hier aussi il y avait des shooting mariage. Les mariées toujours en robes blanches à large décolleté mettant en valeur leurs épaules et les mecs en 3 pièces tape à l’oeil. La même scène Via Vittorio Emanuele en rentrant. Grosse équipe vidéo avec lumière devant un mur de soutènement cimenté. Mais quand le type a dit coupé, la mariée s’est mise à engueuler son (futur ou présent) mari pour je ne sais quelle raison.
Au restaurant je suis à une table commune : 2 français à ma droite, un couple de vieux ricains en face (la femme porte une perruque rousse) et à ma gauche un couple de jeune, ricains également. Le mec plutôt latino avec une mâchoire de cheval et une fille peau claire et cheveux de couleur indéfinissable avec une tête minuscule style modèle réduit. Heureusement qu’on ne doit pas faire connaissance et qu’on est juste là pour bouffer et pour boire à s’en péter la gueule.
A propos des restaurant à Palerme : personnel en sous nombre.